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Prix EDF Pulse, à la recherche de la batterie idéale

Renaud Bouchet, professeur à Grenoble INP – Phelma et chercheur au LEPMI, a reçu le Prix EDF Pulse dans la catégorie Science - électricité, le 30 avril 2014. Ses travaux, menés en collaboration avec une équipe de l’Institut de Chimie Radicalaire de Marseille sur la batterie lithium à électrolyte solide, lui ont permis de devancer des équipes internationales de premier plan, et de remporter une dotation de 150000 euros pour poursuivre ses recherches.
Les chercheurs de Grenoble INP sont décidemment à la pointe en matière de batterie lithium ion ! Après Rachid Yazami, ingénieur et docteur de Grenoble INP, qui a reçu le prix Draper de la National Academy of Engineering (NAE) en janvier 2014 pour avoir joué un rôle essentiel dans le développement des premières batteries lithium rechargeables il y a 30 ans, c’est au tour de Renaud Bouchet, professeur à Grenoble INP – Phelma et chercheur au LEPMI, de se voir distingué dans ce domaine. Ses travaux ouvrent la voie au développement d’une nouvelle génération de batterie lithium-ion, permettant le stockage d’une grande quantité d’énergie et la généralisation des véhicules électriques.
 

SIEL, la batterie du futur

Omniprésentes dans nos appareils modernes, les batteries lithium-ions sont en effet aujourd’hui confrontées à leurs limites. Elles ne permettent notamment pas à l’industrie automobile de proposer des véhicules à la fois puissants, disposant d’une autonomie comparable aux moteurs thermiques, parfaitement sécurisés et à un coût raisonnable. Le développement des énergies renouvelables est lui aussi limité par le problème du stockage de l’énergie, faute d’avoir trouvé la « batterie idéale ».
C’est à la recherche de cette dernière que Renaud Bouchet, qui a rejoint le LEPMI en septembre 2012, s’était lancé avec le projet Copolibat alors qu’il faisait encore partie du Madirel à Marseille, puis à son arrivée à Grenoble avec le projet Copolibat2. Dans le prolongement de ces projets soutenus par l’Agence Nationale pour la Recherche, le projet SIEL (Single-Ion Electrolyte) apporte une avancée importante dans le développement d’un nouveau type de batterie qui lui a valu d’être choisi par EDF pour recevoir le prix EDF Pulse. « L’idée clé de nos travaux est de remplacer l’électrolyte liquide des batteries lithium par un électrolyte solide, explique Renaud Bouchet, qui coordonne le projet SIEL. L’électrolyte est la substance qui à la fois sépare les deux électrodes et permet le passage du courant électrique, et qui serait beaucoup plus stable, et donc moins dangereuse, à l’état solide plutôt que liquide. Cela permettrait, en outre, de réduire le coût de la batterie tout en améliorant sa densité d’énergie. Mais pour cela, il fallait trouver le matériau possédant les caractéristiques requises. » Si les verrous technologiques ne sont pas tous levés, le projet SIEL, qui vise la création de prototypes industriels de batteries d’ici 2-3 ans, compte bien relever le défi.


Des copolymères à blocs pour fixer les anions

La solution est venue de « copolymères à blocs » judicieusement pensés. « Quand deux types de polymères sont réunis dans la même macromolécule par une liaison covalente, le polymère est appelé ‘copolymère à blocs’, explique le chercheur. Ces polymères ou blocs généralement immiscibles entrainent une nano-séparation de phase organisée à longue échelle qui donne des matériaux dont les propriétés sont une synergie des caractéristiques de chacun des blocs. Nous avons conçu des copolymères dont l’un des blocs est constitué d’anions en équilibre avec les ions Li+ libres et mobiles dans l’autre bloc. On évite ainsi les déplacements d’anions qui peuvent créer des différences de concentrations limitant la puissance de la batterie. » La fixation d’anions sur des blocs non conducteurs donne des propriétés physiques de stabilité, de tenue mécanique et de conductivité très intéressantes à l’ensemble.
Outre ces propriétés remarquables, ces copolymères présentent l’immense avantage de pouvoir être produits selon des procédés de synthèse en phase aqueuse éco-compatibles (car sans solvants organiques) et conservés à l’air libre. Ils sont mis en forme selon les procédés classiques de plasturgie : extrusion, lamination… Comme il s’agit de polymères, il est possible de leur faire prendre la forme de feuilles souples, très fines, faciles à intégrer à une batterie.
 

Le Graal des batteries : le lithium métallique

Autre possibilité ouverte par cette innovation : créer un accumulateur lithium métal. En effet, « l’électrode négative ultime pour une batterie est le lithium métallique, qui permet de produire dix fois plus d’énergie que le graphite, explique Renaud Bouchet. Malheureusement, l'utilisation du lithium métallique au contact d’un électrolyte liquide conduit à la formation de dépôts électrolytiques de lithium métallique irréguliers pendant la recharge, lesquels sont susceptibles de provoquer des court-circuits pouvant conduire à une explosion. » Les électrolytes polymères solides seraient une solution idéale pour palier ces problèmes de sécurité, permettant également la miniaturisation des systèmes et l’augmentation de la densité d'énergie.
Les premiers prototypes de laboratoires « cyclent » très bien. Un prototype industriel devrait être livré d’ici 2-3 ans. A suivre…