Un pas de plus vers l'hydrogène vert

Les travaux récemment publiés dans Nature par deux chercheurs du LEPMI et du SIMaP, montrent qu’il est possible de remplacer l’oxyde d’iridium utilisé comme catalyseur dans les électrolyseurs alcalins, par des alliages fer/nickel/chrome beaucoup moins coûteux, facilement disponibles et recyclables.
Marian Chatenet L’émergence des Energies Renouvelables (ENR), par nature intermittentes (éolien, solaire…), rend de plus en plus complexe la gestion des réseaux électriques. La production d’hydrogène par électrolyse de l’eau offre un moyen efficace d’utiliser l’électricité excédentaire issue des ENR. L’hydrogène produit peut ensuite être soit reconverti en électricité en période de forte demande, soit être injecté dans le réseau de gaz naturel et/ou utilisé comme réactif chimique (agent réducteur).
L’électrolyse alcaline est la plus utilisée à l’échelle industrielle, par opposition à l’électrolyse en milieu acide qui nécessite d’utiliser des métaux rares comme le platine et l’oxyde d’iridium. En plus d’être particulièrement coûteux, la disponibilité de ces matériaux est problématique. « A l’heure actuelle, on extrait 7-8 tonnes d’iridium par an, et les réserves connues sont de 800 (hypothétiquement 3000) tonnes, indique Marian Chatenet, chercheur au LEPMI*. Or, pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de France 2030, il faudrait attribuer environ 15% de la production mondiale au pays, ce qui est irréalisable. Il faut donc trouver des alternatives. »

Les alliages base nickel comme alternative
C’est dans ce contexte que se situent les travaux du chercheur récemment publiés dans la prestigieuse revue Nature Materials. Il y a 15 ans, Marian Chatenet s’est fortuitement aperçu que l’acier pouvait remplacer l’oxyde d’iridium pour catalyser l’électrolyse alcaline de l’eau (ou tout du moins la réaction de dégagement de l’oxygène, la plus difficile de l’électrolyse de l’eau). Fin 2019, il s’associe à Valérie Parry, chercheuse au SIMaP**, pour comprendre le lien entre les propriétés catalytiques et la composition de plusieurs alliages industriels à base de fer, de nickel et de chrome (inox, incoloy, inconel…). « Si l’activité catalytique de ces compositions n’est pas optimale au début, on s’aperçoit qu’au bout d’un temps plus ou moins long, une couche active d’oxydes se forme en surface, laquelle est très efficace pour dégager de l’oxygène en milieux alcalin. » Il apparait en outre que la composition de la couche active finale dépend  essentiellement des teneurs en Fe et en Ni de l’alliage de départ. (C’est ce rapport qui détermine l'activité de la réaction de dégagement d'oxygène.) L’équipe du LEPMI a par ailleurs développé un protocole permettant d’accélérer le développement de la couche d’oxyde et sa stabilisation, en quelques heures seulement.
Toujours en collaboration avec Valérie Parry, du laboratoire SIMaP, les chercheurs ont également testé l’influence de la mise en forme de l’alliage (tréfilage ou laminage, par exemple) et son état de surface sur son activité catalytique. « Que ce soit en termes de coût de matière première ou de simplicité d’élaboration et de mise en forme du matériau, les alliages fer nickel chrome se révèlent bien plus avantageux que l’oxyde d’iridium. » L’industrialisation de la filière permettra, en plus de résoudre le problème de disponibilité des matériaux, de réduire le coût de l’électrolyseur de près d’un tiers. « Et en plus, ça se recycle facilement ! »
La preuve de concept étant faite, reste à réaliser toute l’ingénierie en aval. Dans le cadre du PEPR Hydrogène, le projet DAEMONHYC vise à développer des électrolyseurs à membranes anioniques sans métaux nobles en optimisant le choix des matériaux et leur mise en forme, pour permettre le développement à grande échelle de l’électrolyse de l’eau. Les alliages fer nickel chrome sont à la base de ces recherches. A suivre.